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Billet d’humeur #27 | Aller voir ailleurs si j’y suis…

« Voyager c’est découvrir que tout le monde se trompe sur les autres pays. ». 

[- Aldous Huxley]

On dit les voyages forment la jeunesse.
Bon, j’ai 54 ans et je suis plutôt en phase de déformation mais j’ai quand même choisi de faire un voyage. Un voyage physique, terrestre, qui m éloigne de mes racines occidentales pour tenter d’entre apercevoir la réalité d’une autre culture. Ou du moins comment l’autre appréhende sa réalité, son quotidien. Bon c’est ambitieux en 15 jours mais je tente.
Je me coltine les questionnements moraux et sociétaux : En 2024 est-ce un choix responsable de faire plusieurs milliers de km en avion pour satisfaire ma soif de connaissance/expérience ? Je vote oui à l’unanimité. Je suis intrinsèquement égoïste, ma seule façon de lire le monde est de l’éprouver dans ma chair

Le voyage comme invitation, au delà de la découverte d’une culture différente, à aller voir ce que ça fait résonner chez moi.
Je souhaite :
Ne pas juste consommer de l’exotisme.
Ne pas être contrainte dans la rencontre humaine par le rapport à l’argent et le statut de touriste qui biaise les relations (comme j’ai pu l’être dans d’autres pays où le niveau de vie est beaucoup plus faible qu’en France ).
Ouvrir les yeux et les oreilles, les narines et les papilles. 
Me laisser surprendre

Le doigt parcours le globe terrestre comme dans les films.
Le Japon. C’est parti.

Konichiwa !

Je suis vite déstabilisée. En faisant les recherches avant de partir j’avais bien compris que l’anglais n’était pas une langue utilisée dans le quotidien des Japonais mais je pensais pouvoir m’en sortir avec les mots classiques qui parlent à « tout le monde ». Ben non. « Tout le monde » n’existe pas. Le Japon de par son histoire assez protectionniste et ses stratégies politico-économiques à réussi a devenir un pays extrêmement occidentalisé sans que l’occident ne lui déteigne trop dessus.
Les idéogrammes peuplent le champ visuel, les affiches, les panneaux. Les hiragana et les katakana sont des symboles phonétiques. Les très élégants idéogrammes kanji ont chacun leur sens propres. Notre alphabet Latin a sa place aussi mais en mineur. Il offre parfois des directions dans les train, tram, rues mais pas toujours. Quelques mots d’anglais par ci par la. Il peut être conjugué en français sur les devantures de boutiques exotiques (pour le coup) « Jouir de Bijou », « Crêpes de Cocorico », « Charcuterie groin groin », « Girls mignon » cela s’appelle le Franponais !
Mon atout principal, la tchache, ne va m’être d’aucun secours. Je tente quelques traits d’humour dans les auberges de jeunesse où je réside, c’est le bide assuré. Je me rends compte que la volonté de rentrer en contact avec autrui qui me semble être naturelle chez moi, ne l’est pas du tout chez la plupart de gens que je rencontre. Non pas parce qu’ils sont timides ou désagréables ou mal lunés mais parce que leurs codes relationnels sont autres. Si je demande mon chemin, soit la personne me fait comprendre qu’elle ne me sera d’aucun secours et part, sans même me regarder, soit elle se missionne pour me donner satisfaction quitte à se mettre elle même dans l’embarras pour m’aider (rater son bus, marcher 15mn pour me montrer le chemin etc..)
Les comportements dans l’espace public sont ordonnés. Une règle d’or invisible est respectée par tous. Personne ne franchit le passage piéton si le feu n’est pas vert. Même quand il n’y a pas de véhicule en vue à 3km. Tout le monde se met en ligne pour rentrer dans le tram, jamais d’attroupement, de bousculade, de mouvements aléatoires, de cohue. Non. Chut ! pas de bruit dans les transports, les gens regardent leurs écrans, dorment, exceptionnellement un lecteur·ice tourne une page.

Pas d’incivilité….
Révélation !

Dans l’espace public les gens ne s’insultent pas car ils se parlent très peu. Aucun déchet par terre pourtant il n’y a pas de poubelle (les poubelles ont été interdites suite au attentats au Sarin dans le métro de tokyo en 1995). Aucun mégot, il est interdit de fumer dehors. Pas de chewing-gum. On peut régulièrement croiser des agents de propreté ou des citoyens lambda balayant les trottoirs, les pas-de-porte, les rues, même les espaces verts. Pas de véhicules pétaradant, pas d’enceinte Bluetooth, pas d’appel téléphoniques .

Haaaa c’est reposant, c’est tranquille.
Je pense à moi dans mon TER de 18h33, avec la dame d’à coté qui passe 20mn au téléphone avec un fort niveau de décibels pour dire ce qui me semble être des inepties, que je voudrais ne même pas entendre, j’ai l’envie coupable de l’étrangler.

Haaaa c’est reposant, c’est tranquille… mais… mais à force… comment dire… j’attends avec un peu d’espoir qu’un enfant arrive à fond en trottinette, qu’un ballon vienne casser un carreau, ou qu’un fou rire déchire ce calme engourdissant. J’ai envie de crier.

Car ce silence cache aussi d’autres réalités. Comme cet écriteau dans le métro qui assigne certains wagons aux femmes aux heures de pointe pour lutter contre les comportements déviants d’individus de sexe masculin.
Comme l’inertie des passants lorsqu’une personne très agée fait une chute sous mes yeux mais qu’il n’est pas bien vu d’entrer en contact avec un inconnu, donc personne ne l’aide à se relever. Pire : j’aide cette vieille dame mais la gène l’empêche de me remercier. Elle s’en va sans un regard…

Je suis de retour et ces 15 Perfect days, comme ceux de Wim Wenders, m’ont donné à vivre le miroir simple et complexe de l’âme humaine.

Cécile, pour l’équipe Donc Y Chocs.